Leur décision est motivée par les gains susceptibles d’être réalisés suite au réajustement des droits de douane sur le thé. L’investissement prévisionnel dans une unité de conditionnement est de 25 à 30 MDH. Le chiffre d’affaires additionnel pour les industriels de l’emballage et les imprimeurs est estimé entre 250 et 300 MDH par an.
Depuis le 1er janvier, les importations de thé sont soumises à de nouveaux taux de droits de douane. Ainsi, le thé en vrac importé est désormais imposé à 2,5% contre 25% auparavant. Et les importations de thé conditionné ont vu leurs droits de douane passer de 40 à 32,5%. Soit un différentiel global de 30% entre les deux types de produits qui engendre deux conséquences majeures sur le secteur du thé. Selon un membre de l’Association des professionnels du thé au Maroc (APTM), le réaménagement devrait se traduire par «un transfert de l’industrie du conditionnement des pays producteurs comme la Chine vers le Maroc». Il indique que des importateurs pensent même se doter d’unités de conditionnement dans un délai de 6 à 9 mois. A l’en croire, le développement de cette activité induira des investissements non négligeables et la création d’un grand nombre d’emplois. D’après les estimations des professionnels du thé, le coût d’une unité de conditionnement se situe entre 25 et 30 MDH. De plus, le transfert du conditionnement au Maroc se traduira par un chiffre d’affaires additionnel de 250 à 300 MDH pour les industriels de l’emballage et les imprimeurs marocains. «C’est un chiffre d’affaires annuel qui porte sur un volume de 250 millions de boîtes de thé», souligne un opérateur qui tient à préciser qu’actuellement sur les six professionnels du secteur trois d’entre eux conditionnent partiellement leur thé. Un quatrième opérateur, qui préfère rester discret, annonce son unité de conditionnement pour avril prochain.
D’après les données chiffrées de la profession, le thé conditionné localement constitue de 10 à 12% de l’offre actuelle.
Les importations frauduleuses représentent aujourd’hui 20% du thé consommé localement
La deuxième conséquence non moins importante du réajustement des droits de douane est la baisse de la compétitivité-prix du thé de contrebande qui a, depuis 2013, fortement perturbé le secteur. Selon les statistiques communiquées par les professionnels organisés du secteur, les importations frauduleuses représentent aujourd’hui 20% du thé consommé localement. Globalement, elles proviennent des provinces du Sud, notamment Laâyoune, par où transitent près de 5000 tonnes par an, soit près de 10% des importations globales du pays. L’Oriental, et précisément Melilia d’où proviennent, d’après les professionnels, environ 8 000 tonnes de thé par an, est aussi une importante porte d’entrée.
En fait, la baisse des droits de douane a été décidée en réaction au développement des importations illégales et en réponse à la demande des opérateurs organisés du secteur, qui avaient auparavant créé leur association pour défendre leurs intérêts et sensibiliser les autorités aux effets néfastes de la contrebande sur leur activité. Et c’est toujours dans ce cadre que s’inscrit l’élaboration d’un référentiel de normes marocaines pour le thé qui ont été transmises aux partenaires chinois en vue de les sensibiliser à la nécessité de garantir un produit de qualité.
Le gain financier de la baisse des droits de douane est réduit par l’appréciation du dollar et la hausse de la TVA
Il reste que la baisse des droits de douane n’aura pas d’effet immédiat sur le prix à la consommation. Et les professionnels s’expliquent: «Pour l’instant nous avons nos stocks de thé achetés en octobre ou novembre 2014 dédouanés sur la base des anciens taux ; il nous faut donc les écouler». Par ailleurs, ils tiennent à préciser que «le prix du thé est fluctuant parce qu’il dépend des aléas climatiques et donc du niveau de la production en Chine». Sans oublier que la tendance dans ce pays, principal fournisseur du Maroc, est à l’augmentation des prix du thé en raison de la hausse du coût de la main-d’œuvre suite à l’exode rural des jeunes et à la progression de la demande locale suite à l’amélioration du pouvoir d’achat.
Les importateurs de thé avancent en outre que le gain financier de la baisse des droits de douane a été rogné par la variation du dollar et la hausse du taux de la taxe sur la valeur ajoutée qui est passé de 14 à 20%. Concernant le dollar, ils notent que son cours a enregistré, entre décembre 2014 et janvier 2015, une hausse de près de 16% par rapport au dirham. Aujourd’hui, le prix du thé varie de 1 500 dollars à 6000 dollars la tonne. Les thés de qualité sont même achetés entre 8 000 et 9 000 dollars la tonne.
Compte tenu de ces facteurs, la baisse du prix de vente n’interviendra pas avant quelques mois. Le kilo est actuellement commercialisé entre 50 DH pour un produit d’entrée de gamme et 200 DH pour un thé haut de gamme. La consommation nationale de cette boisson est estimée à deux kilogrammes par habitant et par an. De l’ordre de 3 milliards de DH et en croissance de 3 à 5% par an, le marché est dominé par six gros importateurs, notamment le groupe Belkhdar, Belfkih, Sultan, Somathès, Asta et Itkane. Quelque 400 marques y sont distribuées. Il faut dire que le thé vert est aujourd’hui sérieusement concurrencé par le café et les nouvelles tendances de consommation, notamment le thé glacé ou encore les infusions.
Source : la vie eco